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11 juin 2021

Une année de vie au cœur des maisonnées

La vie du Village

Déjà un an que les premiers villageois ont découvert leur nouveau lieu de vie. A leur côté, des aides-soignants, auxiliaires de vie ou accompagnants éducatif et social, animent le quotidien. Récit au sein du quartier Chalosse.

A Dax, au Village landais Alzheimer (VLA), chaque quartier - Chalosse, Côte atlantique, Bas-Armagnac, Haute Lande - se compose de quatre maisonnées pouvant accueillir, chacune, 7 à 8 résidents. Il y a là des chambres spacieuses pour l'intimité préservée de chacun, et des espaces communs (cuisine, salle à manger, salon) où ils sont libres d'aller et venir, quelle que soit l'heure ou leurs envies. D'ailleurs ce matin-là, dans la maison n°14 du quartier Chalosse, certains pensionnaires sont encore au lit ou en train de se préparer pendant que d'autres sont allés chercher le melon pour midi à l'épicerie du Village avec Sandra Legrand, aide-soignante.

Respecter les habitudes de vie

« On apprend à vivre à leur rythme, on les laisse dormir quand ils veulent, et on respecte leurs habitudes de vie tout en les accompagnant dans tous les gestes du quotidien, de la préparation des repas au repassage », témoigne cette ancienne salariée d'une unité fermée Alzheimer dans la Nièvre : « Le travail ici est très différent, c'est ce qui m'a attirée, la prise en charge est beaucoup plus humaine. Avant je devais faire 14 toilettes en une matinée, sans avoir le temps de discuter avec les personnes, je finissais par détester mon métier. Ici, tout est plus serein pour nous en tant que soignants et pour eux aussi, moins dans l'angoisse et la nervosité. Tout le monde s'y retrouve », dit-elle, interrompue par une résidente qui lui lance, en s'approchant : « Mais que tu es belle ! ».
« Vous voulez que je vous accompagne pour la sieste ? »
« Oui, oui ! »
« Allons-y ». »

Des binômes toute la journée

Dans cette expérimentation de Village hors normes, deux maîtres ou maîtresses de maison vivent ensemble toute la journée avec les résidents par période de 11 heures consécutives, au rythme d'un mois et demi dans la même maisonnée pour un meilleur contact. La nuit - où tout est plus calme même si cela reste très actif pour certains -, ils sont deux par quartier. Aides-soignants, éducateurs, aides médico-psychologiques (AMP) ou auxiliaires de vie... la complémentarité des profils fait la force de l'accompagnement dans cette structure innovante au plus près des besoins des villageois.

« On les connaît mieux, on peut ainsi mieux les prendre en charge et leur faire des petits plaisirs, comme avec cette dame qui aime l'océan à qui je mets des musiques dans cet univers pour l'apaiser », explique Sandra Legrand, devant les photos des ateliers carnaval faits quelques semaines plus tôt.

A côté, dans la maison 15, Audric Bogard, accompagnant éducatif et social (AES) passé par l'accueil en foyers d'hébergement et l'aide aux personnes handicapées, estime aussi que « rester plus d'un mois dans la même maison permet une meilleure stabilité pour tous. Avec mon binôme qui est aide médico-psychologique, on se complète bien avec nos façons de voir et on apprend les uns les autres », poursuit-il, en lavant les casseroles. « Oui, parfois on doit refaire la vaisselle faite par les villageois, on repasse discrètement derrière pour ne pas les froisser mais le but c'est bien qu'ils continuent de faire au maximum comme à la maison, de les faire participer dans leur singularité, en fonction de ce qu'ils aiment ou aimaient faire et de ce qu'ils sont encore en capacité de faire ».

Ce midi, comme tous les midis, des grands-mères atteintes de la maladie dégénérative ont mis le couvert et aidé à préparer le déjeuner, comme elles l'auraient fait chez elles. « On a rajouté un peu de crème fraîche et de curry au rôti de porc-carottes vichy » arrivé précuit des cuisines professionnelles attenantes, précise Audric Bogard.

Prendre soin dans la bienveillance

Dans la salle à manger, devant des cartes postales des Landes anciennes encadrées au mur, il est 14H30 et le repas se termine juste pour une des résidentes alors que d'autres sont déjà à la sieste. L'occasion d'un dialogue avec la médecin traitant sur ce qui pourrait faire plaisir à cette patiente en fin de vie qui ne mange plus grand chose, même si le smoothie fait maison de la veille a eu du succès. « On a la chance de pouvoir parler tranquillement du soin mais surtout du « prendre soin » », assure Florianne Laville qui suit 37 villageois, et ex-médecin coordonnatrice en Ehpad.

Arrive Francine et sa recette du quatre-quarts facile : « il faudra 3 œufs, 150 g de sucre, 150g de vanille... ». « Cette dame était prof de maths, elle aime beaucoup les chiffres, on mesure les doses, on cuisine, on rit ensemble, on vit des moments privilégiés », fait valoir Sylvie, aide médico-psychologique (AMP) et assistance en soin en gérontologie (ASG), qui montre la liste de courses avec les produits basiques à écrire ou à cocher pour éviter des mises en échec de ceux qui ont des difficultés stylo en main.

« Le concept du Village autour de la bienveillance, la bientraitance et la dignité, tient ses promesses. Chacun est à son rythme, c'est formidable pour eux et pour nous. Les personnes vivent comme elles le faisaient chez elles, certaines nous aident à plier le linge, à tout entretenir, on a le temps de simplement discuter aussi, explique Josée Dufourcq, ASG; le seul petit bémol est le report de l'arrivée des bénévoles ». Pour cause de crise Covid, les volontaires qui font partie intégrante du projet ne pouvaient plus venir depuis novembre dernier. Ils n’ont réintégré l’établissement que depuis début juin pour développer encore les échanges et le lien social avec les pensionnaires.

Vélos, quilles, gym, scrabble, chant

En leur absence, les animations n'ont toutefois pas manqué au Village. Les 88 maîtres et maîtresses de maison, les 4 animateurs ou encore l’ergothérapeute, le psychomotricien, l’art-thérapeute…, tous s’impliquent à apporter de la vie au quotidien des Villageois que ce soit dans les maisonnées avec des ateliers de peinture, chant, fabrication de banderoles pour la fête des voisins, ou dans les espaces de la Bastide (salle d’activités, brasserie, médiathèque, salle de remise en forme).

A la maison 13, pendant que Jean va chercher sa casquette pour se faire beau pour sortir, Jacques est d'ailleurs en train de s'échauffer les muscles en levant la jambe avant de partir à son cours. Marthe Chanard les accompagne dans les allées jusqu'à la place principale : « On essaie de les solliciter pour faire des choses mais au final, je n'amène que ceux qui ont envie », explique cette aide-soignante tout juste sortie d'école. « Moi, je reste ici ! », dit, à ce moment, une dame qui vient de sortir son carnet de chant d'autrefois pour passer un bon moment musical avec Yolande Gonzalez, une autre aide-soignante.

Pendant que ça chante dans cette maisonnée, les jeux s'enchaînent tout l'après-midi à la salle d'activités où Nathalie Cazalis propose ce jour-là belote, scrabble et triomino.
« Je veux jouer au golf ! », lance une mamie.
« Ah, lui répond l'animatrice, ça, il n'y a pas ! »

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